"BURN-OUT" : Médecins en difficulté
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Bien souvent le terme de “ Burn-out “ est galvaudé source de confusions englobant tout, de l’exaspération de son travail à l’écroulement total de la personne.
Il n’existe pas de classification internationale, ni de définition univoque.
Et pourtant des hommes et des femmes sont confrontés au surmenage professionnel jusqu’à l’épuisement de toutes leurs ressources physiques, mentales et émotionnelles.
A l’origine, le nom de “Burn-out” avait été introduit aux Etats unis dans les année 1970, par le psychanalyste HJ Freudenberger ; il désignait, en langage populaire des soignants des toxicomanes dits “grillés” car en rechutes constantes. Ces patients se trouvaient en échec social et thérapeutique, malgré l’engagement des équipes d’assistance et des thérapeutes.
HJ Freudenberger lui-même, victime d’épuisement professionnel, s’appropria par la suite le terme de “burn-out” pour caractériser l’état clinique de ses troupes en état de fatigue, de dépression, de frustration, à force de s’user dans l’aide sans résultats en dépit de leur vocation première. Ils étaient “grillés” eux-mêmes, en processus parallèle.
Il écrivit cette approche métaphorique “ en tant que psychanalyste et praticien, je me suis rendu compte que les gens sont parfois victimes d’incendie, tout comme les immeubles. Sous la tension produite par la vie dans notre monde complexe, les ressources internes en viennent à se consommer comme sous l’action des flammes ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur, même si l’enveloppe externe semble plus ou moins intacte”.
De nos jours, le mot “burn-out” est sorti de son contexte initial, il caractérise un état d’épuisement professionnel extrême de la personne dont les conséquences peuvent être mortelles comme le suicide, les infarctus du myocarde, les accidents vasculaires cérébraux. Le champ d’application s’étend à d’autres métiers en rapport avec le service et les relations à forte implication psychique.
Quelques chiffres
Ce processus évolutif, lent progresse dans notre société. En 2016, une mission parlementaire de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale avait pour objectif de mieux le cerner et d’ examiner l’état de la situation actuelle (1).
La prévalence de la souffrance psychique liée au travail a augmenté, selon une étude de l’Institut de Veille Sanitaire, chez les salariés actifs entre 2007 et 2012.
Elle touchait 2 fois plus de femmes que d’hommes, environ 3 femmes actives sur 100 et 1 homme actif sur 100 (2).
A noter parallèlement, l’augmentation de l’incidence annuelle de l’infarctus du myocarde plus marquée chez les femmes de moins de 65 ans entre 2008 et 2013 (+4,8%) (3), population dont prévalence du tabagisme régulier augmente.
315 cas d’affections psychiques en lien avec une maladie professionnelle en 2015 ont été reconnus par l’assurance-maladie, à rapporter au nombre annuel de cas de souffrances psychiques liées au travail, soient 490 000 cas par an (1).
Les données épidémiologiques restent insuffisantes tant sur le plan descriptif qu’analytique en raison des difficultés à poser les limites réelles et complexes du burn-out. Cependant des chiffres circulant en 2014 faisaient état de 3 millions de sujets concernés en France (4). L’Institut de Veille Sanitaire indiquait que le burn-out représentait 7% des 480 000 salariés en souffrance psychologique liée au travail (2).
La souffrance des médecins
Parmi les études récentes, celle en 2007, réalisée par l’URML (Union Régionale des médecins libéraux), coordonnée par le Docteur Eric Galam(5) (Professeur Associé, Médecine Générale, Université Paris Diderot) indiquait que 53% des médecins répondants à l’enquête se sentaient menacés par le burn-out, en particulier les généralistes(60,8%).
2243 médecins ont répondu à cette enquête réalisée auprès de 10 000 médecins libéraux de la région Ile de France. Les médecins se disant menacés plus particulièrement par le burn-out se situaient plutôt entre 45 et 50 ans, étaient célibataires, exerçaient en secteur 1, réalisaient plus de 6000 actes par an, travaillaient souvent sans rendez-vous, faisaient des visites à domicile et n’avaient pas d’activité salariée complémentaire.
En 2010 dans une étude menée auprès de médecins généralistes en formation, 6,5% des 4050 répondants présentaient des scores élevés tant au niveau de l’épuisement émotionnel et de la dépersonnalisation que du faible accomplissement personnel(6).
Pour mieux comprendre la souffrance, le livre “Omerta à l’Hôpital” (7) du Docteur Valérie Auslender, recensait plus d’une centaine de témoignages de soignants dont des étudiants en médecine, internes victimes de maltraitances verbales, psychologiques et physiques. Neuf experts de renom proposent dans ce livre des pistes de réflexion pour expliquer cette souffrance notamment un tournant particulier de la gestion de l’hôpital, le manque de lieux d’écoute, la multiplicité des tâches, la perte de la fonction d’enseignant, le maintien d’une mythologie élitiste et concurrentielle.
L’Ordre national des Médecins, un an plus tôt, avait publié une enquête réalisée auprès de 8000 étudiants en médecine ou jeunes médecins (8) : 30,8% des répondants de second cycle se disaient en mauvaise ou moyenne santé, 14% déclaraient avoir eu des idées suicidaires en 3 -ème cycle.
Le burn-out, un concept flou et complexe
Les manifestations cliniques multi symptomatiques se regroupent en plusieurs dimensions : l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation, la réduction de l’accomplissement personnel.
Selon l’Académie de Médecine, le burn-out (9) « peut s’apparenter soit à un trouble de l’adaptation, soit à l’état de stress post traumatique soit à un état dépressif. Il peut aussi désigner un tableau de désarroi psychologique d’intensité infra clinique à celle qui est requise pour désigner une pathologie caractérisée”.
Voici un tableau récapitulatif des manifestations présentées dans la revue médicale suisse en 2014, numéro 443, illustrant de manière synthétique les différents symptômes du burn-out.
Toujours selon l’Académie de Médecine « l’échelle de mesure développée par Christine Maslach (10) (MBI) ne peut être considérée comme un outil diagnostique : en population non clinique, elle répartit chaque dimension (l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation, la réduction de l’accomplissement personnel) en trois tertiles (niveau faible, intermédiaire, élevé). »
Cette échelle reste la référence pour une approche évaluative mais le consensus est loin d’être unanime car la réduction de l’accomplissement personnel aurait un rôle dans l’étiologie et ne devrait pas être considérée comme une dimension à ce syndrome, ce qui laisseraient 2 dimensions.
Le Dr Marie Pezé, Docteur en psychologie et psychanalyste, responsable du réseau “Souffrance et Travail” retient 3 signes précurseurs du burn-out :
La fatigue non réparée par le repos, une perte de plaisir à aller travailler, le recours à des stimulants ou aux addictions. A ce stade il faut consulter (11)
Au stade de stress chronique (> 6 mois d’exposition aux facteurs de stress), l’anxiété, la culpabilité, la fatigue se complètent de manifestations cliniques : troubles du sommeil, douleurs diffuses et troubles digestifs notamment. L’évolution, en l’absence de prise en charge, se manifeste par la désocialisation de la personne, l’apparition de signes cliniques organiques, l’accentuation de l’isolement, jusqu’à la désillusion et l’effondrement de toutes les ressources.
Face au mot « burn-out », les termes “d’épuisement professionnel” et de “surmenage” sont plutôt préférés par les experts en clinique du travail. Le premier terme vise l’épuisement physique (dû par exemple à l’allongement des journées de travail), le second introduit en plus la dimension psychique, des troubles cognitifs, du fait de l’invasion du travail (en pensée et en actions) hors du contexte professionnel (12).
Des facteurs étiologiques multiples
“Tant qu’elle (la personne) est convaincue que ses efforts s’inscrivent dans un projet collectif et ont une signification sociale, elle garde un aspect d’enthousiasme et une résistance incroyable au surmenage. Le jour où elle lâche cette motivation ça devient tragique” précise le Pr Christophe Dejours dans son rapport oral à la Commission de l’Assemblée nationale (13).
Tout le monde ne fait pas un burn-out dans un même contexte professionnel. Il est la conséquence d’un désajustement entre l’environnement du travail et les stratégies d’adaptation de la personne.
Ce syndrome de non adaptation est la conjonction entre des facteurs externes, des risques psychosociaux et des facteurs intrinsèques individuels liés à la personnalité du sujet.
Les métiers les plus exposés sont ceux comportant de nombreux contacts interpersonnels où il est nécessaire de faire preuve d’empathie, de montrer ou pas ses émotions.
Pour le Ministère du Travail, le burn-out résulte d’une exposition chronique à plusieurs facteurs dont le poids de chacun est mal apprécié. Il s’expliquerait par la rencontre d’une personne avec un environnement de travail dégradé générateur de stress. Par ailleurs la qualité de l’environnement extra-professionnel influencerait ce processus en cas de difficultés associées ou d’absence de soutien externe de la personne.
Les facteurs de risques psychosociaux se regroupent en 6 catégories selon l’INRS(14)
- Intensité et temps de travail : “exigences psychologiques et d’efforts” plus largement les contraintes de rythme, d’horaires atypiques, imprévisibles, l’existence d’objectifs flous ou irréalistes, l’exigence de la polyvalence non maîtrisée, les instructions contradictoires.
- Exigences émotionnelles dont la nécessité de maîtriser et de façonner ses propres émotions.
- Manque d’autonomie et marges de manœuvres : l’absence de possibilité d’être acteur de son travail, de s’auto organiser, de participer aux décisions qui concernent directement son activité et de déployer ses compétences.
- Manque de soutien social et de reconnaissance au travail : des rapports sociaux dégradés qui concernent les relations avec les collègues, la clientèle, la hiérarchie, le harcèlement moral.
- Conflits de valeurs : conflits intrapsychiques consécutifs à la distorsion entre ce qui est exigé au travail et les valeurs professionnelles, sociales ou personnelles du travailleur.
- Insécurité de l’emploi et du travail : insécurité socio-économique, changements d’organisation et des conditions de travail.
Ces facteurs, selon les situations de travail, peuvent se compenser ; exemple : excellente reconnaissance sociale et contraintes horaires imprévisibles. Cependant ils sont délétères pour la santé quand ils s’inscrivent dans la durée, quand ils sont subis, nombreux et incompatibles (objectifs irréalistes et conflits de valeurs par exemple).
“La gouvernance par les nombres” remplace la gouvernance par les lois, expose le Professeur au Collège de France, Alain Supiot (15). C’est le monde de l’idéal des objectifs mesurables, des performances quantifiables, de la statistique, de l’algorithme qui mesure tout.
Un des nombreux impacts dans le monde du travail est celui de la subordination qui devient horizontale, celui des objectifs chiffrés à réaliser. De nouvelles méthodes d’évaluation sont apparues pour les salariés : évaluation individualisée des performances, la qualité totale, le recours à flexibilité de l’emploi, à sa standardisation.
Cette gouvernance par les chiffres met en concurrence les salariés entre eux, les isolent, la coopération horizontale se dégrade, la coopération verticale presque inexistante.
Le rôle des facteurs individuels
Le burn-out n’est pas une nouvelle catégorie de maladie psychiatrique, même si ce syndrome peut mener au basculement dans la dépression. Il se différencie de la dépression qui s’étend à tous les aspects de la vie de la personne. Néanmoins, le burn-out touche plus particulièrement les individus surinvestis dans leur travail. Le surengagement est un facteur clé qui a lui-même des causes , comme le souligne le rapport de conclusions de travaux de la commission des Affaires Sociales, de la mission d’information relative au burn-out déposé en février 2017(16):
- faire de son travail le centre de sa vie
- avoir des attentes élevées envers soi-même
- faire preuve d’idéalisme
- négliger ses activités non professionnelles
- difficultés à déléguer
- confusion entre performance professionnelle et valeurs personnelles
- lier estime de soi et performances…
Toutefois il serait erroné de faire du burn-out le révélateur d’une faiblesse personnelle préexistante. C’est bien l’environnement dans lequel les individus travaillent, notamment l’organisation du travail, qui est remise en cause.
Dans le rapport rendu par l’Académie de Médecine (9) “Plusieurs auteurs ont mentionné le rôle des traits de personnalité dans l’apparition d’un burn-out. On a notamment invoqué la présence d’un neuroticisme élevé, de difficultés à gérer le stress (« coping passif/défensif »), des tendances au perfectionnisme, une propension à l’hyperactivité et à l’addiction au travail (« workaholisme ») 33.
Selon certains auteurs, les facteurs personnels entreraient en compte dans 40 % des causes de l’épuisement professionnel et les facteurs organisationnels dans 60 % 34. Parmi ces derniers la qualité du management tient une place déterminante. Le poids de l’environnement extra-professionnel interviendrait également 35. Même si le terme de burn-out est intimement associé à la dimension professionnelle, il faut souligner que le phénomène a été mis en évidence dans d’autres contextes, tel celui des mères au foyer 36 . “
Guide d’aide à la prévention du burn-out publié par le Ministère du Travail, en mai 2015, en coopération avec les organismes Anact et INRS, la croisée de l’engagement dans le travail et les facteurs RPS (17).
La particularité des médecins
La Haute Autorité de santé a publié en mai 2017 une fiche mémo portant notamment sur les facteurs de risque inhérents à la population soignante (18)
“Population à risque historiquement identifiée et objet de nombreuses études récentes montrant un morbidité particulièrement élevée, les professionnels de santé en activité ou en formation sont exposés au risque d’épuisement professionnel….Différents facteurs rendent les professionnels de santé vulnérables : demande de performance, image du soignant infaillible, valeurs d’engagement et d’abnégation, injonctions contradictoires, dispositifs de soins complexes, tensions démographiques, insécurité.”
Les conditions de travail sont de plus en plus difficiles tant en milieu collectif où la gouvernance des nombres bat son plein (restrictions budgétaires des hôpitaux publics, tarification à l’acte..) qu’au niveau individuel ( sur administration, incivilités, judiciarisation ..)
L’augmentation de la demande des soins, l’allongement de la durée de vie, la baisse de la démographie médicale, la perte de reconnaissance sociale, la remise en question des compétences par des patients, la culture de la faute, le harcèlement, participent à la liste non exhaustive des pressions et facteurs de stress chroniques chez les médecins.
Dans l’étude présentée en 2007 par l’URML (5) parmi les causes évoquées par ces médecins, l’excès de paperasserie (62,6%) et l’augmentation des contraintes collectives (47,3%) sont les plus cités.
“Les conséquences du burn-out invoquées par les médecins résident dans la diminution de l’accomplissement professionnel (87,2%), la dégradation de la relation médecin-patient (84,4%) et l’altération de la qualité des soins (82,6%).
12,3% des répondants envisagent de changer de métier. Parmi eux 143, soit 6 % de notre échantillon, sont prêts à mettre à exécution ce désir dans un futur plus ou moins proche.”
Que faire ?
Repérer et prendre en charge
Le repérage, explique la Haute Autorité de Santé (18), “ peut être réalisé par le médecin traitant, le médecin du travail et l’équipe santé au travail. Il s’appuie sur un faisceau d’arguments de manifestations cliniques, des conditions de travail, et en complément d’éventuel facteurs de susceptibilité individuelle”. “La prise en charge vise à traiter le trouble identifié ainsi qu’à agir sur le contexte socioprofessionnel à l’origine du trouble... Le médecin coordonne cette prise en charge.”
- Se faire diagnostiquer par son médecin référent.
- Arrêt maladie et l’accident de travail : le médecin ne doit jamais noter le lien direct avec le travail sur l’arrêt maladie ! Sa déontologie se limite à constater les signes cliniques. Ecrire un lien ou une cause c’est mettre en cause un tiers, le certificat doit rester descriptif.
- Prise en charge thérapeutique spécialisée et coordination avec le médecin du travail
Le rôle de l’entourage et des collègues pour repérer les individus en souffrance est primordial. La législateur a prévu que le travailleur prenne soin de sa santé et de sa sécurité au travail ainsi que de celles de ses collègues dans ses actes comme dans ses oublis :
Article L. 4122-1 : “ Conformément aux instructions qui lui sont données par l’employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur des entreprises tenues d’en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soins, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail”.
Et pour les médecins en souffrance ?
L’étude Stéthos(19)parue en octobre 2016 à l’initiative de l’association SPS (Soins aux Professionnels de Santé) conduisait une enquête sur la vulnérabilité des professionnels de santé. Plus de 4000 soignants questionnés ont répondu ainsi :
76% chercheraient de l’aide en cas de situation de souffrance psychologique
47% ne savaient pas à qui s’adresser s’ils se trouvaient dans cette situation
S’ils étaient dans cette situation, ils se tourneraient de préférence vers leur entourage familial (43%), vers un confrère (38%), un ami (30%), un médecin traitant (15%).
95% ne connaissaient pas d’associations engagées dans la souffrance psychologique.
En cas de numéro téléphonique dédié au personnel soignant, 71% attendent une écoute psychologique, une orientation et un suivi d’accompagnement, et 72% des personnes interrogées souhaitent des consultations physiques avec des médecins, psychiatres.
Certains professionnels de santé de cette étude ne souhaitent pas se faire aider pour 3 raisons principales :
- ne peuvent s’offrir le « luxe » de s’arrêter, 71%
- ne souhaitent pas que leur situation soit connue à 69%
- ont un sentiment de culpabilité, 42%.
“En France 80% des médecins n’ont pas de médecin traitant personnel. Ils privilégient l’automédication ou recherche une conseil rapide auprès d’un confrère” (Newsletter du Conseil National de l’Ordre des Médecins du 03 mai 2017)(20).
La commission Santé des médecins anesthésistes a mené une campagne de sensibilisation en 2017 “Dis Doc, t’as ton Doc?”, auprès de tous les professionnels de santé. Cette campagne doit être poursuivie, de manière à ce que les médecins soient pris en charge notamment en cas de souffrance psychologique ou de surmenage.
Encore une fois le repérage d’un médecin en souffrance est primordial, venu de la médecine du travail en milieu collectif, de la part de l’entourage et des confrères ou des diverses associations mettant à disposition des numéros téléphoniques dédiés.
NUMERO UNIQUE POUR LES MEDECINS EN DIFFICULTE (pour rappel) : 0800 800 854
Depuis le 1er janvier 2018, les médecins et internes en difficulté peuvent composer le 0800 800 854, un numéro unique d’écoute et d’assistance. Accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, cette écoute téléphonique confidentielle permet l’orientation du médecin, selon sa situation, vers son Conseil départemental de l’Ordre des médecins, une des associations qui a signé la Charte d’entraide, le service Entraide du Conseil national de l’Ordre des médecins, un établissement de soins signataire de la Charte d’entraide ou toute autre structure utile. Ce numéro d’appel est financé par le Conseil national de l’Ordre des médecins, et géré par l’Association d’aide professionnelle aux médecins et soignants (AAPMS) qui a notamment la charge de former les psychologues répondant aux appels.
La mise en œuvre de ce numéro est l’expression de la volonté de l’Ordre de fédérer et d’harmoniser les actions et les procédures d’entraide sur l’ensemble du territoire national au service des médecins.
La prévention, un rôle essentiel
Pour les salariés, les acteurs sont prévus par le Code du travail pour la prise en charge des risques liés au travail donc de l’épuisement professionnel.
- L’employeur a des devoirs préventifs régis par le Code du Travail
Selon l’article L. 4121-1 du Code du travail “ l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1. Des actions de préventions de risques professionnels ;
2. Des actions d’information et de formation
3. La mise en place d’une organisation et des moyens adaptés
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes”.
Le chef d’entreprise peut s’appuyer sur l’organisation du travail avec la médecine du travail, le CHSCT, les délégués du personnel et de santé, le directeur des ressources humaines, et l’ARACT (associations régionales pour l’amélioration des conditions de travail).
- Le DRH doit apporter des réponses aux dysfonctionnements
Une des fonctions du DRH est d’apporter des réponses aux dysfonctionnements apparus sur le lieu du travail. Il se doit d’ouvrir des enquêtes administratives en cas de plaintes ou de témoignages de salariés afin de cerner les responsabilités et ainsi d’agir pour rétablir le bon fonctionnement. Par ailleurs il lui incombe la responsabilité de mettre en place des actions de sensibilisation et de prévention en partenariat avec la Direction.
En mars 2017, par arrêté du 8 mars 2017, la Cour de Cassation a condamné et sanctionné la “non-dénonciation” par une responsable des ressources humaines des méthodes managériales abusives exercées par sa direction.
- Le CHSCT contribue à la protection des salariés
Son rôle est défini dans l’article L. 4612-1 du Code du Travail en matière de prévention des risques. Il contribue à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l’établissement et ceux des entreprises extérieures. Il contribue et procède à la prévention des risques professionnels, alerte, aide à la résolution des situations.
- Les délégués du personnel ont un devoir d’écoute
Toujours selon le Code du Travail, article L.2313-2, “le délégué du personnel doit immédiatement saisir l’employeur quand il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché”.
En milieu hospitalier, les salariés ont recours aux mêmes acteurs. En décembre 2016, l’Inspection Générale des affaires sociales a rendu un rapport au gouvernement (21). Il propose des recommandations pour une meilleure prise en charge des Risques psychosociaux des personnels médicaux et des recommandations pour l’amélioration des pratiques. Les 31 recommandations ont été saluées par les principaux syndicats de médecins hospitaliers en raison du management comme source du dysfonctionnement et comme levier d’action.
La mission propose :
- La mise en place d’une mission chargée de mettre en œuvre la stratégie pour la prévention et le traitement des RPS et pour la qualité de vie au travail.
- Un renforcement de l’implication du niveau régional et des établissements avec une redéfinition du rôle des commissions paritaires régionales en lien avec les programmes de santé déclinés au niveau des GHT (Groupes Hospitaliers Territoriaux)
- Une professionnalisation du management
- Un meilleur suivi des professionnels médicaux
En attendant la mise en place de ces recommandations et les décisions du gouvernement actuel, les salariés hospitaliers organisent des groupes de parole pour exprimer leurs difficultés. Cela permet de partager en collectif les pressions et de sortir les salariés de leur isolement affectif.
Et pour les médecins libéraux ?
A partir de l’étude menée par l’URML les attentes recensées par les médecins libéraux portent sur 5 points essentiels (5) :
1) Amélioration de la protection sociale des médecins (97,2%)
2) Mieux définir la nature et les limites de la responsabilité médicale (95,6%)
3) Prendre en compte le médecin pour lui-même (93,2%)
4) Meilleure préparation des étudiants en médecine (93,2%)
5) Aide pour la gestion administrative (88,4%)
En 2016, L’Ordre des médecins a présenté 10 propositions opérationnelles en réponse aux nombreux dysfonctionnements de notre système de santé, tant pour les patients que pour les médecins et autres professionnels de santé. Ces propositions font suite à la consultation engagée auprès de tous les médecins français et à diverses rencontres sur le terrain. Ces 10 propositions relevées dans un livre blanc (22) ont pour but d’alimenter le débat public et les programmes politiques.
Le Docteur Patrick Bouet, Président du Conseil National de l’Ordre des Médecins explique “Ce livre blanc est un véritable programme pour la santé de demain. Nos propositions nombreuses et concrètes se fondent sur une approche globale de l’organisation des soins pour répondre aux attentes fortes de proximité, d’efficacité et de transversalité de l’ensemble des acteurs à travers 3 axes structurants :
- Une simplification de la structuration territoriale des soins et la mise en place d’un pilotage sur le principe de la concertation avec l’ensemble des acteurs de santé locaux.
- Un décloisonnement des parcours professionnels pour renforcer la coordination du parcours de soins, de mobilité professionnelle et la mutation de la charge administrative
- Une professionnalisation et une régionalisation de la formation des médecins.
L’entraide ordinale est une mission constitutive définie par le Code de la Santé Publique (23).
- La prévention primaire se fait au moment de l‘inscription et/ou de l’installation, elle correspond à un véritable statut de médecin assuré notamment contre les risques et accidents de la vie, en Responsabilité Civile Professionnelle assortie d’une protection juridique.
- La prévention secondaire lorsque que l’on constate ou qu’on apprend une certaine dégradation de la situation physique ou morale d’un confrère : il est reçu dans les plus brefs délais par le Conseil départemental ou régional.
- La prévention tertiaire pour éviter la rechute et l’accompagnement confraternel discret, confidentiel, pour évaluer tant la consolidation de l’état de moral ou physique que la prévention d’éventuelles récidives.
L’Ordre des médecins est en lien régulier et permanent avec les organismes sociaux CARMF, AGMF et AFEM. Il soutient les initiatives de campagne de sensibilisation.
En conclusion
Dans cet article nous avons voulu exposer une partie de la complexité de l’épuisement professionnel sur la base des études, des enquêtes et des rapports rendus par des experts et organismes reconnus et faisant référence.
Le thème de l’épuisement professionnel parle pleinement à celles ou ceux d’entre nous qui l’ont vécu, modifiant souvent considérablement leur activité et leur engagement envers la Société.
Oui le burn-out est le casse du siècle humain, nombreux salariés et libéraux s’y cassent le nez, y laissent leur vie pour certains. Oui on peut l’éviter, on peut s’en remettre aussi.
La symptomatologie du surmenage professionnel est multiple, comme ses facteurs de risques. Impacter la personnalité seule de l’individu est une aberration, le contexte de l’organisation du travail est largement accusé. Le travail ne s’adapte plus à l’homme, c’est l’homme qui doit s’adapter à l’organisation. Cette organisation est à modifier pour prendre mieux soins des individus et du collectif.
Nous sommes frappés par la progression plus rapide de cet épuisement professionnel chez les femmes que chez l’homme, la notion de double peine de 2 vies en une journée est soulignée par le Docteur Marie Pezé.
Les salariés et employeurs doivent connaître leurs droits et devoirs par rapport à la prévention sur la santé physique et mentale. Des primo-écoutants ou sentinelles de terrain sont formés comme relais d’écoute et d’orientation vers les bons acteurs de prise en charge.
Reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle est l’affaire des politiques, cela aura une incidence sur la prise en charge des personnes mais peu sur la prévention.
Les réseaux associatifs, les acteurs de la clinique du travail, les organismes gouvernementaux ou pas déploient des stratégies de prévention de maillage du territoire national.
Soulignons à nouveau le rôle fondamental de l’entourage de la personne (privé et professionnel) pour repérer la souffrance psychologique.
Une seule chose à retenir : si vous vous sentez fatigué(e) sans pouvoir récupérer de votre fatigue après du repos, que vous n’avez plus de plaisir à aller travailler, et que vous prenez des stimulants pour tenir, allez consulter un médecin ou appelez le N° national dédié.
Pour aller plus loin, et si le Co-développement était plus déployé ?
Le Co-développement est un concept qui permet de s’entraider, de trouver des solutions ensemble.
L’échange de bonnes pratiques les mutualisent. Modéliser ce qui réussit, créer du réseau entre pairs, étudier ce qui fonctionne bien, partir de cas concrets issus de l’expérience de terrain, partager et co produire des solutions ensemble renforce la contribution et modifie les comportements de chacun.
C’est dans cet esprit et cette dynamique que le Conseil National de l’Ordre des médecins s’est fortement engagé. Les Conseils départementaux demeurent des observateurs de proximité privilégiés. Ils ont la connaissance des acteurs de terrain et ont à ce titre un rôle majeur de détection, de repérage et de lanceurs d’alerte pour conseiller, écouter, orienter, soutenir et accompagner, dans le plus total respect de la confidentialité.
Dr Christine Buès, conseillère ordinale (février 2018)
Bibliographie
(2) http://invs.santepubliquefrance.fr//beh/2015/23/2015_23_2.html
(3) http://opac.invs.sante.fr/doc_num.php?explnum_id=10282
(4) www.technologia.fr/blog/wp-content/uploads/2014/04/BurnOutVersiondef.pdf
(5) https://office.com/getword
(6) https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23561789
(8) https://www.conseil-national.medecin.fr/node/1726
(9) rapport sur le burn-out - Académie Nationale de Médecine
(10) Le MBI: MASLACH BURNOUT INVENTORY
(12) Dr Marie Pezé, commision assemblée nationale https://youtu.be/gjX5rz8rYXQ
(13) Pr Christophe Dejours, commission assemblée nationale https://youtu.be/B3cY1q3c_qY
(14) http://www.inrs.fr/risques/psychosociaux/facteurs-risques.html
(15) https://www.cairn.info/revue-projet-2015-6-page-90.htm
(16) http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i4487.asp
(17) http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/Exe_Burnout_21-05-2015_version_internet.pdf
(19) télécharger la présentation complète de l'étude 2016 - asso sps
(20) https://www.conseil-national.medecin.fr/node/2151
(21) Etablissements de santé Risques psychosociaux des ... - Igas
(22) Pour l'avenir de la santé : de la grande consultation aux propositions …
(23) l'entraide ordinale - Conseil National de l'Ordre des Médecins
Article écrit par le Dr Christine BUES Conseillère ordinale